Sommet social du 15 février : ce que la CGT a dit


Voici les principaux axes de l’intervention du secrétaire général de la CGT lors du sommet social convoqué par le chef de l’Etat.

Bernard Thibault était accompagné d’Agnès Naton, secrétaire de la CGT et d’Eric Aubin, membre de la commission exécutive de la CGT (en charge du dossier des retraites)

Cette réunion est sensée définir un "agenda social". Nous ne pouvons pas faire abstraction du contexte dans lequel elle se situe pour déterminer les priorités à inscrire à l’agenda.

Manifestement, le contexte n’est pas du tout celui d’un retour progressif à la croissance.

Les syndicats de salariés viennent de le réaffirmer ensemble : la situation économique et sociale reste très dégradée et très préoccupante pour les salariés, les retraités, les chômeurs, les jeunes qui subissent durement les conséquences d’une crise qui s’installe dans la durée alors qu’ils n’en sont pas responsables.

Ils constatent qu’au-delà des discours officiels et des constats qui se sont multipliés sur la nécessité d’un changement des règles qui ont prévalu depuis plus de 20 ans, la recherche de la « compétitivité » se poursuit avec les mêmes critères.

La gestion des entreprises emprunte les mêmes recettes : la pression sur les conditions sociales pour espérer un retour des dividendes aux actionnaires le plus vite possible.

La machine est censée repartir sur les mêmes bases que celles qui sont à l’origine de la crise.

La CGT pose 5 exigences pour une nouvelle dynamique de croissance :
- 1. La réduction des inégalités par des mesures fiscales et sociales appropriées.
- 2. La lutte contre la précarité et contre les suppressions d’emplois.
- 3. La relance de l’investissement public et privé en lien avec une politique industrielle nouvelle.
- 4. La création d’un pôle public de financement.
- 5. Le renforcement des droits et des pouvoirs des salariés sur les choix de gestion et la stratégie des entreprises et des filières.

Réduction des inégalités

• Partage de la valeur ajoutée Malgré les déclarations d’intention, rien n’a été fait pour réduire les inégalités de revenus et pour augmenter la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises. Le Medef a pratiquement bloqué tout examen de cette question malgré la demande présidentielle de 2009.

• Salaires :
- Conditionner les aides publiques à l’accord salarial, suppression pour les entreprises n’ayant pas signé d’accord avant juin 2010.
- L’Etat doit prendre ses responsabilités quant à l’extension des accords de branche (par exemple ceux actuellement frappés d’opposition dans le transport routier et celui concernant les Hôtels-cafés-restaurants).
- Engagement d’une négociation dans la fonction publique.
- Revalorisation du SMIC (1600€ bruts). 50% des salaires sont inférieurs à 1500€. Répercussion par négociation de branche sur les grilles de rémunération.
- Minimas sociaux : revalorisation substantielle.
- Retraites : indexation sur les salaires.
- Transports : prime transport obligatoire pour véhicule personnel.

• Logement :
- Développement du logement social à la hauteur de l’urgence.
- Encadrement des loyers.
- Accès au crédit excluant des taux usuraires.

• Travail du dimanche La Loi du 10 août 2009 accentue les inégalités puisque ce sont essentiellement les femmes et les précaires qui sont les premières victimes.

De nouvelles inégalités salariales sont créées entre zones touristiques et "périmètres d’usage de consommation exceptionnelle". Les jeunes sont également victimes de cette déréglementation et sont victimes du chantage à l’emploi.

La CGT demande de redéfinir les contours des secteurs d’activités où le travail du dimanche est nécessaire. Ce sont essentiellement la santé, la sécurité, les transports collectifs, l’énergie et la restauration qui sont concernés.

• Eléments variables de rémunération, intéressement, stocks-options :
- Soumission aux cotisations sociales (6,5 milliards pour la protection sociale).

• Rémunération des dirigeants : discuter du montant et des critères.

• Fiscalité :
- Mise en place d’une fiscalité plus juste et plus redistributive (les mesures d’allègement ponctuelles instituées en 2009 sur les revenus modestes ont de ce point de vue un impact modeste).
- Suppression du bouclier fiscal et révision des niches fiscales.

• Inégalités Femmes / Hommes :
- Lutte contre le temps partiel subi : négociation obligatoire dans les branches professionnelles qui utilisent de façon systématique ce type de contrat (83% des salariés à temps partiel sont des femmes).
- Mise en place de contrôles (DDTFP) et de sanctions pécuniaires pour les entreprises qui en 2010 ne signent pas un accord de rattrapage de l’inégalité Femmes / Hommes en matière de rémunération et de carrière.

Lutte contre la précarité et contre les suppressions d’emplois

• Instituer un droit suspensif des suppressions d’emplois qui puisse s’appréhender dans une logique de filière.

• Le gouvernement doit renoncer aux 35 000 suppressions de postes dans la fonction publique.

• Il doit accepter une remise à plat des réformes dans le public mettant en avant l’emploi et l’efficacité sociale des services rendus à la collectivité.

• Il doit conditionner les aides publiques (allègements de cotisations, aide à l’emploi, remboursement des aides en cas de suppression d’emploi).

• Plusieurs dizaines de milliers de travailleurs sans papiers sont par définition, privés du droit de circulation donc de leur dignité. Ils travaillent, ils cotisent ; la CGT demande donc, comme 11 organisations qui les soutiennent, un réexamen rapide de leur situation sous l’égide du ministère du Travail.

• Concernant le chômage :
- Les dispositifs actuels concernant le chômage partiel doivent être prolongés mais avec des conditions plus strictes évitant l’alternance du chômage partiel et de forts dépassements d’horaire sur l’année (cf. techniciens et cadres chez Renault).
- La défiscalisation des heures supplémentaires doit être abrogée.
- L’Etat doit poursuivre son engagement financier sur le CTP, conformément à l’engagement pris en 2009 que chaque salarié licencié puisse garder son salaire pendant 1 an et recevoir une formation professionnelle.
- Concernant les chômeurs en fin de droit, la CGT propose d’instituer une cotisation sur les contrats précaires permettant d’apporter plusieurs milliards d’euros à l’UNEDIC afin de prolonger de 3 à 6 mois les droits des demandeurs d’emploi. Le FISO pourrait être le gestionnaire de cette mesure exceptionnelle.
- L’Etat doit assouplir en conséquence les règles d’attribution de l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS).
- La CGT demande que l’Allocation Equivalent Retraite (AER) soit reconduite à minima pour 2010 et que sa pérennisation soit étudiée.

• Concernant les jeunes :
- Face à l’échec du RSA Jeunes et au nombre très faible de jeunes attributaires de la prime de 500€ (30000 au lieu de 250000 prévus), la CGT renouvelle sa revendication de la mise en place d’une allocation d’autonomie et d’un revenu d’insertion pour les primo demandeurs d’emploi.
- Les contrats aidés (362000 contrats "initiative emploi" et "d’accompagnement à l’emploi") ont permis de sortir du chômage des jeunes sans offrir pour autant une perspective d’emploi durable.

• Les retraites

C’est l’un des sujets sur lequel nous sommes le plus attendu à l’issue de cette rencontre.

Le principe d’une nouvelle reforme a été annoncée pour 2010, il serait impensable de rester dans le flou concernant la procédure et le calendrier de cette réforme.

La CGT récuse les déclarations du gouvernement comme des organisations patronales cherchant à justifier des sacrifices pour les salariés (nous remarquons que ce discours est à la mode dans plusieurs pays européens d’abord pour donner des gages aux institutions financières internationales).

L’avenir des retraites est un choix de société, notre pays à les capacités pour conforter le système de retraite par répartition et de maintenir le droit au départ à 60 ans. Cela appelle une autre répartition de richesses créées par les salariés.

Il faut permettre au pays d’avoir une période de débat nécessaire suffisamment longue avant que les décisions ne soient prises.

Nous n’accepterons pas d’être mis devant le fait accompli. Je rappelle que pour la CGT la reconnaissance de la pénibilité de certain métiers (en attente depuis 2003..) devrait être traitée préalablement au rendez vous retraite.

La relance de l’investissement public et privé en lien avec une politique industrielle nouvelle et création d’un pôle public de financement

La question de l’emploi est intimement liée à celle de la stratégie de croissance.

La CGT avait rejeté l’opposition entre relance par la consommation et par l’investissement. Les deux doivent être associés.

La question est maintenant posée de savoir quelles suites seront données aux états généraux de l’industrie.

L’approche en termes de filières industrielles reprend ce qu’avance de longue date la CGT.

Le besoin d’une banque de l’industrie pourrait emprunter à la proposition de la CGT de pôle financier public sans toutefois reprendre l’idée d’un livret d’épargne de développement de l’industrie et de l’emploi.

Mais les propositions au stade actuel sont fortement marquées par 3 aides fiscales aux entreprises dont le crédit d’impôt innovation. Il faudrait plutôt commencer par s’interroger sur les 80 milliards d’euros que reçoivent chaque année les entreprises.

Quant aux propositions relatives à la réduction de la contribution des entreprises au financement de la protection sociale, elles doivent être résolument rejetées.

La stratégie qui prétendrait défendre l’industrie française par le moins disant social face aux pays à bas coup de main d’œuvre est perdue d’avance.

Alors que 40% des effectifs de l’industrie partiront en retraite dans les 5 ans il n’est pas normal qu’aucun plan ambitieux n’anticipe sur la disparition de ces compétences qui sont à renouveler

Renforcement des droits et des pouvoirs des salariés sur les choix de gestion et la stratégie des entreprises

• Le patronat réduit les enjeux de la gouvernance des entreprises vers une réforme des IRP (relèvement des seuils, allègements des procédures obligatoires, sécurisation juridique des entreprises).

• Il faut, à l’inverse, faire avancer par la négociation et si nécessaire par la loi les questions qui ont émergé en 2009, à la faveur de la crise :
- La répartition des richesses produites dans les entreprises.
- Les droits d’intervention économique des salariés dans la "gouvernance des entreprises" :

Droit suspensif aux suppressions d’emploi.

Représentants élus des salariés dans les conseils d’administration des entreprises. Représentativité dans les TPE qui doit permettre la mise en place de commissions paritaires régionales par type d’activité : artisanat, économie sociale, professions libérales, agriculture.

L’agenda social doit aussi s’articuler avec le niveau européen.

Nombre de décisions nationales sont aujourd’hui déterminées par des normes européennes.

Le gouvernement français consulte insuffisamment les organisations syndicales avant les échéances européennes portant sur les questions sociales.

Il n’est pas normal que Le gouvernement français ne consulte pas les organisations syndicales sur les positions que la France défend à Bruxelles sur des dossiers portant sur le travail, l’emploi, la formation professionnelle ou les affaires sociales, pas plus que sur les politiques sectorielles, les options économiques et monétaires.

Le Comité du Dialogue Social Européen et International, créé en 1998 devient purement formel. Or, des dossiers majeurs font l’objet de débat au niveau communautaire.

A titre d’exemples :
- Quelle sera la position française lors de la révision de la directive "temps de travail" sur l’opt-out, le temps de garde et la prise du repos compensateur, sachant que La France est passible d’une procédure d’infraction concernant le droit communautaire et européen sur le temps de travail ?
- La transposition de la directive "services" à minima et dans une procédure opaque pour les services sociaux ne nous convient pas.

Article mis en ligne le 15 février 2010 par Laurent



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