Médecine du travail : les professionnels dénoncent "un retour en arrière historique"


Les députés ont adopté avant hier les dispositions relatives à la médecine du travail, introduites très discrètement il y a une semaine dans la réforme sur les retraites, par le biais d’une série d’amendements.

"Nous avons vu arriver en catimini, en camouflage, une série d’amendements UMP et un amendement du Gouvernement, sans aucune consultation préalable des professionnels de la santé au travail, au mépris de l’avis des partenaires sociaux", déplorait hier le SNPST (Syndicat national des professionnels de la santé au travail) lors d’une conférence de presse. Pour le principal syndicat de la branche, "le gouvernement maltraite totalement la question de la santé au travail", question qui, au passage, "aurait dû faire l’objet d’une réforme il y a une dizaine d’années déjà".

L’indépendance de la médecine du travail remise en cause

Parmi les dispositions adoptées, figure le très controversé amendement n°730 qui suscite de nombreuses interrogations quant à l’indépendance des médecins du travail. Prévoyant à l’origine que les missions des services de santé au travail sont exercées "sous l’autorité de l’employeur, par les médecins du travail", l’amendement a été légèrement modifié.

La loi dispose désormais (article 25 quater) que les missions des services de santé au travail sont exercées "par les médecins du travail, en lien avec les employeurs et les salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels".

Malgré cette légère modification, le flou demeure quant à la véritable place des employeurs dans les services de santé au travail et les syndicats craignent une perte d’indépendance des médecins du travail et un "conflit d’intérêt" du fait du rôle des employeurs. D’autant plus que d’autres dispositions inquiétantes ont été retenues.

Des salariés désignés par l’employeur pour assurer la prévention

En plus de la disposition critiquée relative au "directeur des services de santé au travail", la loi prévoit que "l’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise". "À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur peut faire appel à l’un des intervenants suivants" (IPRP notamment).

Pour Mireille Chevalier, "cela veut dire que les employeurs vont pouvoir d’abord faire appel aux ressources de l’entreprise et garder la main sur les questions de prévention". "Cette disposition, contraire aux principes de la loi de 1946, risque de camoufler les questions de santé au travail".

Pour le SNPST, en plus d’aggraver la situation, le gouvernement va à l’encontre de nombreux rapports, notamment de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), qui demandaient à l’inverse un renforcement de l’indépendance des professionnels de santé au travail et davantage de moyens.

Mise à mal de la médecine du travail en tant que spécialité

D’autres amendements également critiqués ont été adoptés dans le projet de loi sur les retraites. L’amendement selon lequel un accord collectif de branche peut prévoir que la santé de certaines catégories de travailleurs (intermittents du spectacle, voyageurs…) ne soit plus contrôlée par un médecin du travail mais par un médecin généraliste a été adopté en l’état. Pour les syndicats, vivement opposés à cette possibilité, cela nie la spécificité même de la médecine du travail et les problématiques particulières du monde du travail qui ne sont pas maîtrisées par les médecins généralistes.

Paritarisme et recrutement des internes approuvés

Autre disposition approuvée : le paritarisme au sein des conseils d’administration. Or, selon la Secrétaire générale du SNPST, "sous couvert de paritarisme, on va faire croire que les organisations syndicales sont consentantes". Et FO d’avertir sur le risque de dilution des responsabilités des employeurs en matière de prévention des risques du fait d’une instrumentalisation de la parité en conseil d’administration.

Par ailleurs, concernant la possibilité pour les services de santé au travail de recruter des médecins internes de la spécialité, approuvée également par les députés, les syndicats estiment que ce n’est pas ainsi que va se régler la pénurie de médecin du travail en France.

Le carnet de santé au travail voté

Notons que le carnet de santé au travail, à l’origine prévu dans la loi Grenelle 1, a été inséré et approuvé dans le projet sur les retraites dans le volet pénibilité du parcours professionnel. L’article 25 de la loi dispose qu’un "carnet de santé au travail, constitué par le médecin du travail, retrace dans le respect du secret médical les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail".

Un article L.4121-3-1 est aussi inséré au code du travail. Il prévoit que "pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue".

Débat au Sénat le 5 octobre

Cette disposition rappelle de manière surprenante les dispositions existant déjà dans le code du travail en matière d’exposition professionnelle, et notamment les attestations et fiches d’exposition qui ont déjà beaucoup de difficulté à être appliquées…

Le Sénat doit maintenant se prononcer sur le projet de loi des retraites. Il l’examinera en séance publique à partir du 5 octobre.

Article mis en ligne le 17 septembre 2010 par Laurent



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