Développement durable, transition écologique et sociale : penser le changement à Rio


Institué en 1992, le sommet de la terre se tiendra en juin prochain à Rio de Janeiro (Brésil). Il s’agit d’examiner les effets des engagements pris par les Etats en faveur du développement durable. Et pour les syndicats et ONG, de porter le besoin d’une transition écologique et sociale juste. Entretien avec Daniel Geneste, représentant de la CGT au sommet de la terre.

Propos recueillis par Christel Jaubert, journaliste à la NVO, le magazine de la CGT, du 6 au 19 avril 2012.

NVO : Quels sont les enjeux généraux de cette conférence ? Quels en seront les sujets principaux ?

Daniel Geneste : En vingt ans, la pauvreté, la vulnérabilité sociale et le chômage se sont aggravés, tandis que les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur rythme effréné de croissance. En parallèle l’utilisation et des conditions d’exploitation de l’énergie et des ressources naturelles sont restées à un niveau insoutenable. plus que jamais les conditions… faites aux travailleurs et les enjeux écologiques sont la variable d’ajustement d’un capitalisme irresponsable, sans complexe et débridé dans des logiques de production à courte vue. La préservation de la biodiversité est compromise et, sans mesures urgentes et conséquentes, la menace d’une catastrophe sociale et écologique mondiale pèse, ouvrant la voie à des conflits majeurs. Le sommet de la terre, c’est le développement Durable dans son ensemble, pas seulement le climat, Rio+20 doit impérativement revigorer et renforcer l’agenda et les mesures au niveau international.

Le contexte de crise systémique actuel confère d’autant plus de responsabilité pour enfin ouvrir la voie à un nouveau modèle économique avec une démocratisation effective de sa gouvernance et garantir l’accès de tous aux droits fondamentaux. Mais, pour l’instant, les Etats orientent le sujet sur la seule gouvernance, le constat et des objectifs d’affichage sans contenu et surtout sans dispositifs contraignants. Cela ne saurait nous satisfaire, ce serait un sommet pour rien, voire qui préserverait la tyrannie des marchés incontrôlés. Or, il faut des prises de décisions cohérentes et des politiques publiques guidées par l’intérêt général et l’intérêt public.

Quelles priorités les syndicats vont-ils porter ?

Daniel Geneste : Avec la CES et la CSI, les feuilles de routes ont été élaborées dans les prolongements des orientations retenues dans les derniers congrès. Validées par les affiliés dont la CGT fait partie, sous forme de contributions elles ont été déposées auprès du secrétariat de l’ONU, dès le début du processus. La CGT a par ailleurs déposé un cahier d’acteur auprès du gouvernement français et de sa diplomatie en charge de la négociation, la CES a de son coté interpellé l’Europe.

L’élaboration d’un socle international de protection sociale et l’arrêt du dumping social, qui met honteusement les salariés en concurrence, constituent, avec la demande de politiques industrielles défaites d’irresponsabilités sociales et environnementales, le fondement du pilier social revendiqué.

L’engagement vers un verdissement de toute l’industrie, des services et des chaines de production doit constituer l’approche d’ensemble vers les emplois verts et non la recherche d’une économie verte comme fraction du système actuel. Cela doit donner lieu à un mandat à l’OIT pour mettre un contenu à une véritable transition juste et au travail décent pour tous.

La mise en application d’une taxe conséquente sur les transactions financières doit dégager des ressources pour financer les politiques publiques et l’accès aux droits fondamentaux et bien communs mondiaux.

Pour la CGT : La transformation de nos économies doit prendre sens sur au moins quatre leviers :
- Promouvoir le verdissement de l’ensemble des activités et des emplois. Cela exige de revoir la finalité, le lieu et les modalités des productions, à fonder sur la réponse aux enjeux et la compatibilité avec un Développement Humain Durable et non plus sur les performances financières immédiates. Cela suppose de grandes politiques publiques en situation de maîtriser la donne et des programmes d’investissements à long terme.
- Organiser les transferts de technologies, dans le cadre d’une maîtrise des politiques industrielles par la collectivité favorisant les coopérations et sous un contrôle fort des dispositifs de conditionnalité sociale et environnementale. En l’absence de cette maîtrise rigoureuse par la collectivité, ils se traduiront, de la part des entreprises avides de faire du développement durable un marché juteux, par des opportunités de délocalisations et pourquoi pas au passage financées par l’argent public des aides au développement ;
- Une formation professionnelle intégrée aux parcours professionnels et de nature à donner aux salariés la maîtrise des évolutions de la technicité fruit d’une recherche renforcée. Elle doit, ainsi, garantir l’appropriation des mutations vers une industrie et des productions de services décartonnés, permettant les localisations judicieuses et harmonieuses des productions en aménageant les territoires.
- Les biens et les activités d’intérêt général doivent être placés sous maîtrise publique et échapper aux contraintes du marché et des objectifs financiers, les services publics réhabilités pour garantir une cohésion sociale et un droit d’accès pour tous. Leur marchandisation est une forme de ségrégation ;

C’est la raison pour laquelle, sur la gouvernance, les syndicats ne se satisfont pas de la simple création éventuelle d’une agence mondiale de l’environnement (OME). Ce qui est indispensable, c’est la mise en synergie de l’ensemble des agences de l’ONU, dont l’OMC et l’OIT, à l’appui d’un contenu et d’orientations transformatrices fortes. Sans cela, RIO+20 ne sera que de l’affichage.

Qu’est-ce que le collectif Rio + 20 ? Quelles exigences met-il en avant ?

Daniel Geneste : Fin 2010, le ministre des affaires étrangères et la ministre de l’écologie ont mis en place un comité Rio+20 pour impliquer la société civile française dans la préparation de Rio+20. Très vite, nous nous sommes aperçus qu’ils avaient aussi l’objectif d’agréger les organisations à leurs objectifs réducteurs. Avec les associations, les ONG et la CFDT (plus de 80 organisations), nous avons constitué, sous l’impulsion l’association 4D (Dossiers et Débats pour le Développement Durable,) un comité Rio+20, apte à faire entendre nos convergences alternatives et de positionnement et à engager des initiatives d’actions. Il exerce, à présent un rapport de force certain, sans pour autant ôter l’identité et le positionnement propre à chaque organisation. Il a produit une déclaration conséquente avec une version synthèse, en août 2011, et une première contribution officielle aux travaux du comité (voir site). Il vient de rendre publique une tribune, que le bureau confédéral de la CGT a décidé de signer : « une transition maintenant » et qui appelle à un projet de société qui fasse sens. Elle reprend les attentes sociales et industrielles des syndicats, jusqu’à la transformation du travail, l’emploi décent et la sécurité sociale professionnelle… Ce collectif fait la démonstration d’une capacité d’approche intégrée des questions sociales et environnementales comme élément de sortie de crise et vers de nouvelles voies de développement qui impliquent de sortir du business as usual. Le collectif a aussi déposé une contribution officielle à l’ONU sous le titre « la transition de nos sociétés doit commencer ».

La crise économique mondiale ne relègue-t-elle pas les enjeux environnementaux à l’arrière-plan ?

Daniel Geneste : C’est l’alibi utilisé par ceux qui veulent préserver un système antagoniste avec les enjeux et défis, d’où le besoin des rapports de forces et donc l’intérêt de toutes ces convergences et rassemblements créés. C’est par la réduction des inégalités et non par la réduction des budgets sociaux ou l’enfoncement des plus vulnérables dans la précarité croissante que nous devons envisager la sortie, comme l’affirme la tribune du collectif Rio+20. C’est valable à l’échelle nationale comme mondiale. Ceux qui renvoient, au non de la crise, la prise en compte de ces enjeux à plus tard offensent les générations futures et jouent avec l’irréversible.

Article mis en ligne le 4 juin 2012 par Laurent



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