Conférence de presse de la CGT le 8 janvier 2014 : l’irruption des salariés dans le débat social est indispensable


Texte d’ouverture de la conférence de presse de la CGT par Thierry Lepaon, secrétaire général

En ce début d’année 2014, j’adresse à chacune et chacun d’entre vous mes vœux de bonheur, de santé et de réussite dans vos projets personnels et professionnels. Pour ma part, et au nom de la CGT, je souhaite une année juste et solidaire, une année de conquêtes sociales pour l’ensemble du monde du travail dans ce pays, où la question du vivre ensemble reste une préoccupation majeure.

Le début d’année est forcément un moment propice pour faire un bilan de l’année écoulée avant de dresser les perspectives pour celle qui s’annonce. Le bilan que nous faisons de l’année 2013 et que font aussi les salariés que nous rencontrons est très sévère.

Les lois votées en 2013 à l’initiative du gouvernement sur la sécurisation de l’emploi ou sur la réforme des retraites comportent des mesures régressives immédiates pour les salariés. Quant aux quelques avancées contenues dans ces lois, leur application en est restreinte, reportée ultérieurement, en attente de décret d’application (ex : seuil des 24h pour le travail partiel).

L’année 2013 est une année noire en matière de suppression d’emplois, de salaires, de niveaux de pensions et de minima sociaux ; une année noire en matière d’augmentation du chômage et de la précarité.

Mais force est de constater qu’elle n’est pas noire pour tout le monde. A juste titre, le montant exorbitant des retraites chapeau des dirigeants des entreprises du CAC 40 a fait la une de l’actualité de la fin de l’année 2013.

Et encore, celles-ci ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Ce qui caractérise la période, ce sont les inégalités de revenu et de patrimoine qui se creusent toujours un peu plus d’année en année.

En dépit, ou grâce, à la politique salariale et d’emploi des entreprises du CAC 40, la Bourse de Paris a augmenté de 18% en 2013. Et la part des dividendes et des intérêts versés augmente, malgré la réduction des marges des entreprises. Alors qu’un salarié donnait 11 jours de travail aux actionnaires en 1981, il en donne aujourd’hui 45.

Des actionnaires particulièrement bien traités en France puisque notre pays est le troisième pays européen où l’on distribue le plus de dividendes aux actionnaires.

Une récente étude réalisée par des économistes sous l’égide de l’IRES chiffre le surcoût indu du capital entre 94 et 140 milliards d’€ par an, soit 6 points de PIB.

Et depuis 2003, le montant des investissements est passé sous la barre du montant des dividendes versés !

Vous disposez d’une brochure de 16 pages de la NVO intitulée "ce que nous coûte le capital" qui fait une démonstration édifiante sur les vraies raisons de la crise.

Pour répondre aux commandes de nos syndicats, nous tirons cette brochure à plus de un million et demi d’exemplaires, preuve que la question du coût du capital est un débat attendu.

Non, ce n’est pas le coût du travail qui grève notre économie, c’est au contraire le coût du capital qui nuit au travail et au développement économique de notre pays.

La financiarisation de notre économie que nous dénonçons depuis de nombreuses années continue de produire ses effets dévastateurs sur l’emploi, en qualité et en qualité, les salaires, la recherche, l’investissement, et finalement la croissance, et donc l’emploi …

Au regard de la situation, la scrutation mensuelle de la courbe du chômage pour savoir si la prophétie du président de la République va se produire a quelque chose de pathétique.

Pathétique d’abord parce que, derrière les chiffres, ce sont des femmes et des hommes qui sont concernés par la perte de leur emploi, par la difficulté de vivre et par la précarité.

Pathétique parce que, sans faire de la réponse aux besoins sociaux une priorité politique et économique, il n’y aura pas d’inversion durable et significative de la politique d’emploi dans ce pays.

Le plan "com" de Michel Sapin ne suffira pas à masquer la réalité d’un chômage qui continue d’augmenter. Et c’est sur cette lancée que le président de la République entend engager notre pays en 2014.

Dans ses vœux adressés aux français, il répond point par point au programme revendicatif du MEDEF.

Le choix est maintenant clairement assumé de favoriser les cadeaux aux actionnaires en opérant un transfert massif des cotisations et impôts depuis les entreprises vers les ménages et en diminuant l’investissement public.

Pierre Gattaz le reconnaît lui-même dans les colonnes d’un de vos quotidiens : "François Hollande a appelé cela un pacte de responsabilité ; nous, nous parlons d’un pacte de confiance, mais le contenu est très proche".

Certains pensaient que François Hollande ne savait pas trancher, ils se trompent !

Après le refus du gouvernement de donner un coup de pouce au SMIC qui concerne directement plus de 3 millions de salariés, il vient de façon très claire de trancher en faveur du capital contre l’emploi, le développement social et les salariés. Ce qui permet au MEDEF de présenter la facture : opérer une baisse de 100 milliards d’€ à répartir pour moitié entre les cotisations sociales et les impôts.

Aujourd’hui, quand le gouvernement a un problème, il demande à un patron de faire un rapport : Louis Gallois sur le pacte de compétitivité pour mettre en place le CICE ou Jean-Paul Bailly pour autoriser le travail du dimanche !

Ce qui permet de passer sous silence les travaux du CESE, dont le périmètre est précisément un des marqueurs de notre vivre ensemble. Allant au-delà de la promesse faite aux groupes de bricolage par le rapport Bailly, le gouvernement vient de s’empresser de publier un décret autorisant de fait 178 magasins à ouvrir le dimanche dans toute la France, jusqu’au 1er juillet 2015.

Les salariés sont donc mis devant le fait accompli. L’ouverture de la négociation prévoyant les contreparties pour les salariés attendra, elle, le 9 janvier, dans une situation d’emblée favorable pour les employeurs !

2013, c’est aussi une année noire aussi pour les syndicalistes, poursuivis parce que syndicalistes. Procédure exceptionnelle : par une note du 31 décembre, le parquet général de Lyon a ordonné au Procureur de Roanne de faire appel de la décision du tribunal correctionnel, qui avait justement relaxé le 17 décembre dernier les cinq syndicalistes qui avaient refusé le prélèvement ADN.

Ce jour 8 janvier, deux dirigeants de la CGT, Pierre Coquan, Secrétaire général de l’UD du Rhône et Michel Catelin, Secrétaire de l’UL de Villefranche, sont convoqués par le procureur de la cour d’appel de Lyon pour avoir "organisé une diffusion sur la voie publique sans autorisation".

Cet acharnement judiciaire est un acte politique contre les libertés syndicales.

Je veux rappeler devant vous que lorsque l’on touche à un militant de la CGT, on touche à toute la CGT !

C’est pourquoi je demande avec beaucoup de solennité que soit examiné sans délai le projet de loi d’amnistie proposé par le Sénat et qui a été retiré du débat parlementaire par le gouvernement.

Quels sont les défis de la CGT en 2014 ? On pourrait les résumer en 5 points :
- 1.Faire progresser l’idée qu’il est possible, dans la France d’aujourd’hui, l’Europe d’aujourd’hui, le monde d’aujourd’hui, de répondre aux besoins sociaux. L’avenir ne peut pas se construire dans une obsession permanente de baisse du coût du travail.
- 2.Ouvrir le champ des possibles en permettant aux salariés, dans chaque entreprise, de s’emparer d’une question fondamentale : où vont et à quoi servent les richesses créées par leur travail ?
- 3.Redonner l’espoir dans l’action collective en permettant aux salariés de faire irruption sur le terrain social. Ils vont avoir l’occasion de le faire à l’appel de leurs organisations CGT le 6 février prochain. Ils pourront se saisir de cette journée d’action pour porter l’ensemble de leurs revendications vis-à-vis de leurs employeurs, en matière de salaires, de protection sociale, de création d’emplois, de conditions de travail, ou de stratégie de l’entreprise. Ce jour- là, les salariés se rassembleront également dans des manifestations interprofessionnelles dans leurs territoires.
- 4.Engager une dynamique de rassemblement des organisations syndicales autour des revendications essentielles des salariés et pour relancer, avec la CES, l’investissement industriel en Europe et la création d’emplois de qualité. Une réunion a eu lieu lundi soir comme vous le savez pour faire le point de notre travail commun. Nous allons aboutir à une déclaration commune sur le pouvoir d’achat, la fiscalité, l’emploi et la reconnaissance des qualifications. Et nous allons porter des initiatives communes en vue de la manifestation européenne le 4 avril prochain à l’appel de la CES.
- 5.Mettre en œuvre ce que nous avons décidé lors de notre congrès en 2013 en rendant la CGT plus utile, plus accessible, plus solidaire pour l’ensemble des salariés, du public comme du privé, des petites comme des grandes entreprises.

Début 2014, le gouvernement va mettre sur la table du Conseil des Ministres le projet de loi touchant à la formation professionnelle, à la démocratie sociale, à la représentativité syndicale, au financement des organisations syndicales, et à l’inspection du travail. Cette loi porte sur un ensemble très large de mesures. Concernant la formation professionnelle, on annonce des objectifs, mais on réduit les moyens de financement !

Le sujet de la démocratie sociale mérite qu’on s’y attarde. Ce sujet a fait l’objet de concertations en amont qui ont fait mesurer l’ampleur des progrès à accomplir. Un certain nombre d’aménagements à la loi de représentativité de 2008 sont positifs.

Ils résultent de propositions que nous avons faites.

Le fait de pouvoir désigner les représentants syndicaux sur un périmètre correspondant à une communauté de travail, au plus près des salariés, est une réelle avancée. Elle a été portée sur des bases communes par la CGT, FO et la CFDT, contre l’avis du MEDEF.

Une preuve supplémentaire que lorsque le syndicalisme est uni, il permet des avancées pour les salariés.

D’une façon plus générale, ce projet de loi manque d’ambition et comporte même des points particulièrement régressifs comme la suppression des élections prud’homales.

Dans cette période de renoncement politique, le gouvernement craint-il le score de la CGT au point de dessaisir les salariés de leur droit à élire leurs juges prud’homaux ?

Permettre à chaque salarié de pouvoir élire leurs juges dans la justice prud’homale est un acte essentiel de la démocratie. Utiliser le résultat des élections professionnelles pour désigner les conseillers prud’homaux en détournant le vote de son objet est une tromperie : où s’exerce véritablement le choix des salariés pour élire leurs juges prud’homaux lorsque tous les syndicats ne sont pas représentés dans l’entreprise ?

C’est de plus un acte discriminatoire vis-à-vis des 5,4 millions de salariés qui ne peuvent s’exprimer au titre des élections professionnelles et vis-à-vis des plus de 5 millions de chômeurs inscrits à pôle emploi. Nous pensons que si le projet devrait rester en l’état, il serait contraire au droit dans notre pays. La CGT ne laissera pas s’opérer un tel déni de démocratie.

Enfin, prochain dossier social et non le moindre, celui de la convention assurance chômage qui va s’ouvrir avec le patronat le 17 janvier prochain. Dans une période de fragilité sociale et de chômage massif, l’assurance chômage doit permettre d’inscrire les salariés dans une sécurité sociale professionnelle, garantissant la continuité de leurs droits entre leurs périodes de travail et leurs périodes sans emploi. Aujourd’hui, un chômeur sur deux seulement est indemnisé. Une meilleure indemnisation des chômeurs est donc une priorité.

La CGT va présenter des propositions qui s’articulent entre elles :
- l’assurance chômage doit prendre le relais en cas de rupture du contrat de travail, y compris lors de contrats courts,
- le fait de retravailler implique de pouvoir "recharger" ses droits,
- les salariés privés d’emploi doivent pouvoir bénéficier d’un droit à la formation équivalent à celui dont ils auraient bénéficié dans l’emploi.
- Enfin, lutter préventivement contre le chômage nécessite de sanctionner financièrement les dérives des employeurs abusant des contrats courts et des temps partiels.

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Article mis en ligne le 8 janvier 2014 par Laurent



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