SNCF : lettre adressée au président de la République


Monsieur le président de la République,

La situation conflictuelle à la SNCF est suffisamment préoccupante pour notre pays pour que nous ayons recours à cette adresse personnelle, en votre qualité.

Le secrétaire d’Etat aux Transports communique sur le fait qu’un accord serait signé avec les organisations syndicales. Accord, qui selon lui, permettrait de justifier la fin du conflit en cours. Notre incompréhension est totale. Il ne s’agit pas d’un accord d’entreprise, ni d’un accord de fin de conflit, les signataires de ce texte n’étant pas ceux représentant les cheminots massivement dans l’action. Les cheminots en grève portent l’ambition d’une autre réforme du système ferroviaire ainsi que des revendications sociales internes à la SNCF.

Lors des débats préalables à ce conflit, la CGT a fait des propositions afin de construire une réforme répondant aux enjeux du service public ferroviaire fret et voyageurs comme aux attentes sociales des cheminots. Vous n’êtes pas sans connaître nos préoccupations et nos propositions puisque nous avons eu l’occasion de vous les présenter.

Le gouvernement affirme que les réponses apportées dans ce texte proposé à la signature sont de nature à répondre aux légitimes préoccupations des usagers et des cheminots.

Permettez-nous de vérifier à partir de quelques questions simples si, effectivement, les réponses gouvernementales sont aptes à régler les problèmes actuels du système ferroviaire. Ils sont liés à trois sujets majeurs, la séparation entre le gestionnaire du réseau, RFF, et le transporteur, la SNCF, le poids financier des intérêts de la dette portée par le système ferroviaire qui freine les investissements ainsi que le financement des travaux nécessaires à la qualité et la sécurité du réseau.

Le gestionnaire du réseau et le transporteur sont dans ce projet de loi toujours autant séparés. Ce seraient deux entreprises distinctes ayant chacune leur propre conseil d’administration, des contrats distincts avec l’Etat et une production séparée qui ne permettra pas d’assurer un transport ferroviaire de qualité tout en réalisant les travaux utiles sur les voies. De ce fait les dysfonctionnements que nous connaissons aujourd’hui et qui sont à l’origine de tant de mécontentements du côté des usagers, comme du côté des autorités organisatrices que sont l’Etat et les régions, ne seront en rien résolus. Ils seront même accentués.

La dette du système issue de décisions politiques sur des investissements, en particulier lors de la création des LGV, reste en l’état. Il n’est pas juste que la qualité et la sécurité du système ferroviaire soient conditionnées au poids financier des intérêts de cette dette. Il n’est pas non plus normal que cela repose uniquement sur la productivité des cheminots et sur la tarification des sillons donc, au final, sur les usagers fret et voyageurs. A ce rythme, nous allons vers une réduction des utilisateurs, donc des trains. C’est s’engager dans une spirale du déclin contraire aux enjeux économiques, sociaux et bien entendu environnementaux.

Est-ce que ce projet de réforme règle le financement des travaux indispensables pour remettre le réseau ferré à niveau ? Non, car il n’y a rien dans ce projet de loi qui aborde cette question. Pourtant il manque environ 2 milliards d’euros par an pour réaliser les investissements nécessaires. Les cheminots, par la réduction récurrente des effectifs, la dégradation continue de leurs conditions de travail et de leur pouvoir d’achat ne peuvent pas continuer à porter cette charge. De plus cela affecte considérablement la qualité et la sécurité du transport. Les exemples, souvent très médiatisés, ne manquent pas pour illustrer ces propos.

A partir de ce constat il est une évidence, le volet social de ce projet de réforme ne peut pas correspondre aux attentes des cheminots. Au lieu de rassembler les salariés dans un objectif commun de réaliser un service public de qualité, on les sépare dans plusieurs entités distinctes. Il y aura plusieurs employeurs, plusieurs directions indépendantes ce qui n’est pas de nature à identifier la réunification concrète annoncée. Avec cette organisation, nous assisterons inévitablement à un renforcement de la bureaucratie et un empêchement de la transversalité des métiers.

A partir de ces éléments, vous identifierez, nous l’espérons, les sujets qui font blocage dans le dialogue établi avec le secrétaire d’Etat aux Transports. Il est évident qu’au regard de la mobilisation conséquente des cheminots, bien supérieure aux chiffres annoncés par la Direction de la SNCF, le niveau du trafic en atteste, ce ne sont pas des engagements de Monsieur Cuvillier sur des amendements soumis à une validation éventuelle des parlementaires qui peuvent permettre de mettre un terme à ce conflit. C’est pour cela que nous sollicitons votre engagement et des réponses concrètes à des questions précises.

Veuillez agréer, Monsieur le président de la République, nos salutations distinguées.

- Thierry LEPAON, Secrétaire général de la CGT,
- Gilbert GARREL, Secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots

Article mis en ligne le 13 juin 2014 par Laurent



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