Terminus
par Sébastien DUCRET
je suis une femme de cinquante ans
j’suis un exemple épatant
j’ai de l’espoir en ligne de mire
et des médocs pour tenir
j’ai passé trente ans dans mon trou
pour peau d’balle et pour trois sous
j’ai plus qu’une heure pour le transfert
d’mes souv’nirs et d’mes affaires
j’ai passé là tout mes soucis
dans la poussière et le bruit
j’ai vécu là toute ma vie
comme un film au ralenti
au bout du compte qu’est-ce qu’on devient
sans les copines et les copains ?
sans la machine et sans l’usine
j’me sens un peu orpheline
j’ai dans les mains toutes les séquelles
de la torture industrielle
j’ai dans la tête comme une errance
qui s’arrête et recommence
je garde au coeur un chronomètre
et dans l’dos mon contremaître
j’ai fini par aimer ces chaînes
cette routine un peu malsaine
je suis passée par dessus-bord
comme on balance un poids mort
avec pour solde de tout compte
la peur, l’angoisse et la honte
au bout du compte qu’est-ce qu’on devient
sans les copines et les copains ?
sans la machine et sans l’usine
j’me sens un peu orpheline
moi j’ai ramé sur tous les fronts
j’ai tâté tous les pontons
j’ai ma dignité suspendue
aux allocs et au chômdu
maint’nant j’ai plus rien à attendre
de personne il faut se rendre
à l’évidence et c’est mon sort
de finir dans le décor
j’avais d’l’espoir en ligne de mire
et des raisons d’m’en sortir
j’ai plus qu’une seule idée en tête
mais ce serait malhonnête
au bout du compte qu’est-ce qu’on devient
sans les copines et les copains ?
sans la machine et sans l’usine
j’me sens un peu orpheline
Article mis en ligne le 19 février 2008 par
Louis
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