"Si tu ne partages pas la lutte,
 tu partageras la défaite" (Bertolt Brecht)
Le site de la Section Syndicale CGT de l'Adapei Papillons Blancs d'Alsace
Quoi de neuf chez nous?

Plan du site Archives du site Abonnement RSS
Outils CGT Playliste Mentions légales
Défouloir Massacre SPIP
Espace privé
3740712 visites depuis le 01/11/2004
Dernier article publié le mercredi 30 novembre 2022
Dernière brève publiée le mercredi 1er janvier 2020
Contacter votre
Contacter le
Site mieux vu avec FIREFOX
Son nom était Joe Hill

Hacked By Awad Sahar

article précédent    article suivant

Son nom était Joe Hill






Par Fred Alpi

Oui, c’est en Suède que Joe Hill est né Avant de vivre aux USA Où la misère s’appelle Liberté Elle l’a attrapé dans ses bras Joe a choisi d’être apatride Car il était de ceux Qui ne possèdent que leurs rides Une fois qu’ils sont vieux

On peut fusiller un chanteur Personne ne peut tuer des chansons Il n’existe aucun projectile Capable d’arrêter Joe Hill

Joe Hill chantait le noir de la colère Avec le rouge de son sang Même les jours où la soupe est bien claire Tant qu’on chante on est vivant C’est le feu de la révolution Qui réchauffait le cœur Des camarades de l’Association Internationale des Travailleurs

On peut fusiller un chanteur Personne ne peut tuer des chansons Il n’existe aucun projectile Capable d’arrêter Joe Hill

Parce que Joe Hill n’a pas voulu trahir L’état l’a jeté en prison Puis a tenté d’effacer son sourire Avec quelques grammes de plomb Ses cendres ont vaincu la laideur En se dispersant Elles ont aidé quelques fleurs À éclore au printemps

On peut fusiller un chanteur Personne ne peut tuer des chansons Il n’existe aucun projectile Capable d’arrêter Joe Hill

Joel Emanuel Hägglund naquit en 1879 à Gävle, une petite ville tranquille, en Suède, à 200 bornes au nord de Stockholm. Sa mère s’appelait Katerina et son père, cheminot dans la compagnie de trains locale, Olof.

Olof Hägglund mourut en 1887, sa femme en 1902. Joel Emmanuel et son frère aîné Paul décidèrent alors d’émigrer aux USA, comme beaucoup de Suédois à l’époque, car la Suède était encore très pauvre. Ils abordèrent à New York en 1902. C’est là que Joel Emanuel Hägglund changea son nom en Joseph Hillström, qui fut raccourci en Joe Hill. Cela n’avait rien d’étonnant à l’époque, de nombreux émigrants décidaient en effet alors d’américaniser leurs patronymes.

À New York, son premier travail étant de nettoyer le sol dans des bars, Joe décida assez vite de faire un grand voyage vers l’Ouest. La première escale fut Chicago, où il resta quelques mois. Mais il voulait aller en Californie. Comme le voyage était cher, il lui fallut le faire en plusieurs étapes.

Il travailla comme bûcheron avec des suédois, des Européens du nord et des Canadiens. La bouffe était dégueulasse, la paie minable et les logements infestés de vermine.

Parce qu’il commençait à convaincre ses camarades de créer une section syndicale, il se fit virer illico par le patron. Il continua alors sa route vers l’ouest, travailla dans les champs de blé du Dakota, dans les ranchs à bestiaux du Wyoming, dans les mines du Colorado, parmi les ouvriers du rail au Nevada, et dans les plantations fruitières de Californie. Il demeura trois ans à San Pedro, qu’il quittait pour travailler sur les cargos de la ligne d’Honolulu.

En 1910, une section locale des IWW se créait à San Pedro. Joe Hill y adhéra. C’est en 1905 que s’étaient constitués les IWW. Les IWW - ce qui signifie Industrial Workers of the World (Travailleurs Mondiaux de l’Industrie) - étaient un mouvement radical de travailleurs anarcho-syndicalistes.

Ils prônaient l’action directe, sceptiques qu’ils étaient face au parlementarisme et au réformisme.

Le syndicat dominant de l’époque, American Federation of Labor (AFL - Fédération Américaine du Travail), organisait l’éducation des travailleurs par le biais de corporations cloisonnées.

Les IWW en revanche organisaient à la fois les travailleurs les moins qualifiés et sous-payés, mais aussi ceux qui l’étaient mieux.

De ce fait, on voulait organiser les travailleurs sans considération de race, de langue, de croyance ou de passé. On travaillait à partir des principes du syndicat de l’industrie. Les IWW ne devinrent jamais un syndicat de masse, mais avait pourtant une influence importante jusqu’à la première guerre mondiale, particulièrement parmi les immigrants pauvres et sans défense.

Joe devint rapidement agitateur et organisateur parmi les IWW. Et avant tout il fut le chanteur du mouvement. En 1909, les IWW publièrent un livre de chansons "Chansons pour attiser les flammes de la colère", qui fut surnommé le petit livre des chansons rouges. Les adversaires l’appelaient "le petit diable rouge"

On y trouvait des textes politiques pour l’agitation, qui détournaient des mélodies connues, notamment des chansons de l’armée du salut. Par exemple "Plus près de toi mon Dieu" devint "Plus près de toi mon travail". Que les chansons aient pour thème une grève particulière ou une portée de propagande plus générale, elles devinrent les hymnes des IWW, des "Wobblies" comme ils se qualifiaient. Joe Hill devint rapidement le chanteur le plus populaire du mouvement.

Joe Hill écrivit ses premières chansons en 1910, leurs titres étaient évocateurs "Travailleurs du monde entier, réveillez-vous !", "La fille rebelle" mais aussi "N’emmenez pas mon Papa loin de moi", "Le prêcheur et l’esclave", "Il y a de la force dans le syndicat", "Pourquoi devrais-je devenir soldat ?", etc…

Juste avant son exécution, il écrivit cette phrase "Ne vous lamentez pas, organisez-vous". À la fin de 1913, Joe partit pour l’Utah. Les IWW y avaient organisé avec succès une grande grève, ce qui avait fait croître le nombre de ses militants. La police essayait par tous les moyens de réduire l’influence du syndicat, notamment en lançant des fausses accusations contre ses membres les plus en vue. Dans la nuit du 10 janvier 1914, deux hommes masqués pénétrèrent chez J.G. Morrison, épicier de son état, qui avait auparavant été le chef de la police. Lui et son fils Darling, âgé de 17 ans, furent abattus, tandis qu’un second fils, Merlin, 13 ans, parvenait à se cacher. Morrisson parvint à faire feu contre ses assaillants, qui s’enfuirent sans rien emporter.

Le 13 janvier, Joe Hill fut arrêté et accusé du meurtre. Il était en effet blessé par balles. Il expliqua qu’il avait été la victime d’un mari jaloux, et qu’il ne voulait pas le dénoncer afin de ne pas porter atteinte à l’honneur de sa femme. Bien qu’il n’y ait aucune preuve de la culpabilité de Joe Hill dans le meurtre de l’épicier, l’occasion était trop belle pour les notables de Salt Lake City de condamner un activiste. C’est donc un jury partial composé pour la circonstance qui après un simulacre de procès condamna Joe Hill à mort. De nombreuses pétitions de soutien affluèrent dans le bureau du gouverneur de l’Utah, qui avait le pouvoir de décider de la grâce de Joe Hill. Pendant sa détention Joe continua à écrire des chansons. Une très grande partie du mouvement ouvrier américain - et pas seulement les IWW - se mobilisèrent pour sauver Joe Hill. Cette cause dépassa même les frontières, une mobilisation internationale vit le jour. Le président Wilson lui-même, alors président des États-Unis, télégraphia au gouverneur afin de lui demander d’organiser un procès équitable, mais sans succès. Celui-ci avait décidé d’avoir enfin la peau de Joe.

Le matin du 19 novembre 1915, on conduisit Joe Hill dans la cour de la prison. On lui posa un bandeau sur les yeux, en l’asseyant sur une chaise. On lui posa un cœur de papier blanc sur la poitrine, afin de servir de cible au peloton d’exécution.

Dix secondes après la déflagration, un médecin vint constater la mort de Joe Hill.

Comme Joe ne souhaitait pas être enterré dans l’Utah, son corps fut transporté à Chicago. Son enterrement rassembla plusieurs dizaines de milliers de personnes, le cortège funèbre faisait plus de deux kilomètres de long. Joe Hill avait décidé que son corps serait incinéré, et que les cendres seraient envoyées à des camarades du monde entier afin qu’ils les dispersent au vent "pour que mes cendres puissent aider quelques fleurs à éclore au printemps". Et c’est ainsi que des enveloppes furent envoyées sur tous les continents et dans tous les états américains, excepté l’Utah. Les IWW avaient un martyr, Joe Hill entra dans la légende.

Dans sa dernière lettre, Joe Hill écrivit à ses camarades "Ne vous lamentez pas, organisez-vous".



  • Article mis en ligne le 20 février 2006 par Louis


  • Popularité de l'article :
    1%