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DOSSIER SPECIAL - Handicap : obtenir des changements réels

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DOSSIER SPECIAL - Handicap : obtenir des changements réels



Alors que la CGT a émis un avis très négatif sur la loi du 11 février 2005 portant sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ce texte est présenté comme un extraordinaire progrès de la protection sociale, dû à la sollicitude du président de la République et de son gouvernement. L’examen des affirmations des services de l’Etat souvent reprises par le secteur associatif, permet de comprendre l’opinion de la CGT.

1. Le discours officiel et l’opinion de la CGT

- Nous avons enfin une définition légale du handicap

Oui : à cela près qu’elle est parfaitement rétrograde car elle assimile déficit fonctionnel et handicap. Pour la CGT, le handicap survient quand le déficit fonctionnel n’est pas totalement compensé. Les conséquences sont importantes : on passerait d’une détermination de la compensation fixée selon un barème médical à une évaluation fondée sur les besoins sociaux.

- La loi a créé la compensation du handicap

Faux : la compensation du handicap est apparue dans notre législation le 4 mars 2002 dans la loi sur le droit des malades et devait être financée par la solidarité nationale. La loi du 11 février 2005 l’a organisée dans une gestion comptable : l’enveloppe consacrée à la compensation ne peut être dépassée et elle est fixée sans référence aux besoins. Ainsi, la loi du 11 février 2005 l’a organisée de manière si restrictive que la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt en date du 6 octobre 2005, note que la prestation de compensation aboutit à des montants insuffisants et nettement inférieurs aux réparations obtenues par la voie judiciaire en cas de "handicap" provoqué par une faute.

- La CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) est une caisse dé Sécurité sociale qui gère un cinquième risque : le handicap et la dépendance

Faux : la CNSA est une caisse de protection sociale qui n’a rien à voir avec la Sécurité sociale. Elle en a même réduit le périmètre (gestion de l’enveloppe médico-sociale). La CGT revendique la gestion de ce risque par la Cnamts (Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés) car on ne peut pas prétendre que l’autonomie n’est pas un élément important dans la construction de la santé.

- La compensation sera complète

Faux : la loi elle-même prévoit la constitution d’un fonds départemental pour prendre en charge une partie du reste à payer de la personne après l’attribution de la prestation de compensation. D’autre part, les enveloppes mises à disposition des conseils généraux par la CNSA sont indépassables et insuffisantes : les plans d’aide seront donc établis en fonction des moyens disponibles et non selon les besoins des personnes. Et si les plans proposés ne répondaient pas à cette exigence, le Conseil général dispose à l’intérieur de la Commission des droits et de l’autonomie d’une majorité automatique. Le Conseil général paie, il décide !

- La Maison du handicap de par son statut de groupement d’intérêt public jouit d’une indépendance face aux pouvoirs publics

Faux : puisque la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) est mise en place par le président du Conseil général qui nomme son directeur et préside sa commission exécutive. Pour les membres de l’équipe pluridisciplinaire, sous l’autorité du directeur de la MDPH, aucune garantie d’indépendance dans l’exercice professionnel ; ils n’ont même pas la protection d’instance représentative du personnel !

- Les obligations des employeurs, en terme d’emploi, ont été durcies

Faux : la loi a été bâtie sur l’engagement pris et tenu par le gouvernement de ne pas augmenter les "charges" des entreprises. Les deux ministres successifs (Mesdames Boisseau et Montchamp) l’ont rappelé publiquement à plusieurs reprises. Quant à la contribution majorée (1 500 fois une heure de Smic par salarié manquant à l’effectif), il suffit tous les trois ans d’un contrat de six mois (CDD ou intérim) ou d’une commande à un ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail) pour l’éviter !

- Par contre, la transposition de la directive du 27 novembre 2000 est soigneusement occultée

Elle apporte aux salariés un élément important de sécurisation du parcours professionnel : l’obligation faite à l’employeur de prendre toutes les mesures appropriées pour maintenir dans l’emploi, insérer dans l’entreprise et assurer la promotion professionnelle des salariés handicapés, le refus constituant une discrimination. La loi a changé. Cela doit nous amener à réajuster nos réflexions pour étayer nos luttes et asseoir des succès sur deux domaines importants : la protection sociale et l’emploi.

2. La protection sociale et la loi du 11 février 2005 - CNSA

La mise en place de la CNSA matérialise un pas de plus vers le démantèlement et la mise à mort de notre système de protection sociale, en créant ou plutôt en accentuant les barrières existant déjà entre le soin et la compensation et en sortant les personnes en situation de handicap et les personnes âgées de ce système. Ainsi sont créées de véritables frontières entre la dépendance, l’autonomie et la santé. Observons que la CNSA a été créée en juin 2004 avant la sortie de la loi du 11 février 2005. On nous a fixé les moyens alloués avant de déterminer le périmètre des besoins et l’on a exclu l’autonomie de la construction de la santé. II est important de structurer nos actions afin de réagir et d’exiger la reconstruction de la protection sociale à laquelle la Cgt a largement participé. Cette gestion purement comptable ne doit aucunement perdurer puisqu’elle déstructure le système et place les personnes en situation de handicap dans des difficultés encore plus grandes, sachant que ceci est voulu afin de décourager les personnes à faire des demandes. Les trois axiomes que sont la dépendance, l’autonomie (ou l’absence de dépendance) et la santé sont parfaitement interdépendants ! La dépendance survient quand la personne n’a plus son autonomie (son indépendance) et que les facteurs qui la créent ne sont pas compensés. L’autonomie est, par définition, le droit de choisir et d’organiser librement sa vie. Encore faut-il avoir tout moyen à sa disposition pour exercer ce droit ! L’absence d’autonomie ou la perte d’une partie de son autonomie, crée la dépendance, qui est une forme de sujétion, de subordination. L’autonomie peut être altérée par un trouble de la santé. La santé n’est pas seulement définie par l’état d’un organisme qui fonctionne bien mais c’est aussi l’épanouissement de l’individu, l’accession à un état de bien-être physique, psychologique et social. Le système de santé doit traiter l’individu dans sa globalité, au sein de sa communauté de vie, en s’intéressant à la personne, à ses droits et pas seulement à la couverture de plus en plus partielle des frais de maladie, il doit donc lui donner les moyens de pouvoir s’administrer seul. II ne peut y avoir de bonne santé sans autonomie. L’absence d’autonomie créant la dépendance, la relation avec la notion même de santé est immédiate. Quand ces axiomes sont posés, la prise en charge coule de source : si l’absence de dépendance est prise en compte, donc bien compensée, l’autonomie est rétablie. La dépendance, facteur de mauvaise santé, doit être prise en charge par le système de sécurité sociale et non par la création d’une nouvelle caisse hors la Sécurité sociale car c’est bien la maladie ou l’accident qui occasionne la dépendance. Toute atteinte à la santé peut entraîner une dépendance et toute dépendance empêche la construction de sa santé. Ainsi la prise en charge entre dans le périmètre de notre Sécurité sociale et singulièrement dans celui de la Cnamts. Donner la compétence aux conseils généraux en développant l’argument que la proximité améliore la compétence et effacera les inégalités territoriales est faux. II y a là un mélange des genres car la proximité n’a jamais été un facteur de compétence, ni d’égalité, l’Etat n’a jamais été incompétent dans la gestion du handicap qui, de plus, se faisait au niveau du département grâce aux services extérieurs de l’Etat. Cette proximité a été aussi mise en avant comme un rapprochement au plus près des personnes, et donc comme une amélioration du service rendu, à ceci près qu’il est soigneusement encadré par une enveloppe financière fermée, gérée par le Conseil général, celui-là même qui la redistribue alors que les anciennes COTOREP (Commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel) gérées par l’Etat étaient aussi proches, indépendantes de la gestion financière, et que leurs décisions s’imposaient aux payeurs !

3. Quelles activités dans les MDPH ?

Il s’agit de réaffirmer notre rôle dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), dans les commissions des droits et de l’autonomie (CDA) en jouant sur les contradictions. Les inégalités devaient disparaître, malheureusement elles ne font que s’accroître. Nous devons exiger un lieu unique pour la MDPH, établissement qui doit pouvoir, comme prévu dans les textes, regrouper toutes les structures avec le personnel compétent au service de la personne handicapée. Malheureusement la loi n’a pas été mise en place pour servir la personne mais pour diminuer le coût du handicap jugé prohibitif. On observe souvent une absence de personnel qualifié et en nombre insuffisant dans les équipes pluridisciplinaires pour aider les usagers à remplir leur dossier. Ce personnel n’a donc aucune idée de ce que représente la notion même de dépendance et de sa compensation pour retrouver sa place au sein de la société. Cette aide est pourtant déterminante pour les personnes. L’équipe pluridisciplinaire doit ensuite travailler avec la personne, qui peut être accompagnée par un conseiller de son choix, à l’élaboration de son plan de compensation. Le plan de compensation doit être soumis à la personne et avoir son accord pour être enfin « validé » par la commission des droits. La personne doit être invitée à participer à cette commission où elle peut être entendue et non méprisée comme c’est le cas actuellement. Dans la plus grande majorité des cas, la commission ne pense qu’à faire du chiffre. Peut-on accepter de traiter 300 dossiers, voire plus par demi-journée ? L’absence d’indépendance des décisions est motivée uniquement par la volonté de gestion financière sans souci des besoins de compensation. L’absence de motivation des décisions quand il y a des refus, est très préjudiciable aux personnes car cela empêche tout recours utile. Les situations dans lesquelles se trouvent les personnes devant des refus de compensation ou de reconnaissance de travailleur handicapé sont dramatiques et les placent dans l’impossibilité de se maintenir en bonne santé quand le minimum de compensation n’est pas accepté. Les demandeurs sont placés dans une situation de mépris. La CNSA a sorti les personnes handicapées et les personnes âgées du système de protection sociale. Les barrières d’âge demeurent et ne sont pas admissibles. Etre considéré comme personne handicapée avant 60 ans et personne âgée dépendante après est incohérent, surtout que cela empêche de pouvoir bénéficier de la même compensation. Où se situe la limite entre la compensation et les soins ? Qui est en mesure de le dire ? De plus, à ce jour, il est fort à craindre que les lignes budgétaires de la CPAM concernant les personnes âgées et les personnes handicapées ne disparaissent ! Il y a urgence à agir avec les associations de terrain pour dénoncer cette gestion purement comptable que la CNSA a permise et par-là même en dénonçant cette barrière qui a été mise en place entre la dépendance, l’autonomie et la santé ! Nous devons réagir rapidement car trop de personnes sont laissées au bord du chemin ne sachant à qui s’adresser, et méconnaissent leurs droits. A nous de les aider, à nous de faire en sorte que le nouveau système, dont nous connaissons les carences, soit révisé pour redonner aux personnes en situation de handicap ce à quoi, elles ont droit.

4. L’emploi et la loi du 11 février 2005

Dans le domaine de l’emploi, la loi nouvelle ne fait que renforcer les effets pervers de la législation ancienne.

- Le désengagement financier de l’Etat…

Il est entériné par les nouveaux textes puisqu’ils font disparaître l’obligation de l’Etat de financer les structures de placement spécialisées pour personnes handicapées et la garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu ordinaire, devenue aide au poste (pour les employeurs). Si la mention du financement des aménagements de postes par l’Etat reste inscrite dans le code du Travail, il est depuis 1992 totalement assuré par l’Agefiph (Association de gestion des fonds pour l’insertion des personnes handicapées). Ces dispositifs, quel que soit le taux d’emploi des travailleurs handicapés, sont indispensables. Or, l’Agefiph n’a d’argent que si le quota de 6% n’est pas atteint. On peut donc penser que le législateur qui décide de tels transferts de charges n’a pas la volonté politique de développer l’emploi des personnes handicapées ou manque de sérieux !

- Une tutelle accrue de l’Etat sur l’Agefiph

Le programme et le budget de l’Agefiph devaient déjà, chaque année, être approuvés par le ministre en charge de l’emploi. Désormais, elle est obligée de conclure une convention avec l’Etat. Cette obligation de conclure place le fonds dans une dépendance totale face au ministre en charge de l’emploi qui impose sa politique dans le programme de l’Agefiph : précarisation des contrats de travail, privatisation du placement, gestion des flux de chômeurs par des « formations » courtes non diplômantes, parfois non rémunérées, abandon des personnes peu employables, abaissements des coûts salariaux par des primes.

- Des dérives préoccupantes

Les dispositions en faveur des personnes handicapées sont faites pour ceux qui le souhaitent et dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites du fait d’une altération d’une ou de plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques (code du Travail L323 10). Cette définition correspond aux salariés en inaptitude à leur poste de travail (906 000 chaque année). Or beaucoup de salariés qui souffrent d’un déficit fonctionnel sans être gênés à leur poste de travail et sans baisse de productivité subissent des pressions pour se faire reconnaître travailleurs handicapés et entrer ainsi dans le quota en réduisant la contribution payée par l’employeur. Les trois fonctions publiques, qui doivent désormais payer la contribution, comme les patrons du privé, se sont lancées dans cette chasse à l’homme. L’Agefiph a largement aidé les sociétés d’intérim, avant que la pratique ne soit légale, à s’implanter sur l’activité de placement. Elles proposent ce que demandent les employeurs : des salariés reconnus travailleurs handicapés mais qui n’ont aucune gène au travail et n’ont besoin d’aucun aménagement de poste ou d’horaire. Ainsi, de plus en plus de salariés sont comptés dans le quota sans être réellement, au sens du code du Travail, travailleurs handicapés. Les embauches se font de plus en plus sur des contrats précaires, ainsi, au premier trimestre 2006, sur les 10 307 placements réalisés par les Cap-emploi, 39% étaient des Cdi, 68% des Cdd dont un tiers de moins de six mois. L’évolution des structures de placement est, elle aussi, inquiétante. Les équipes de placement et de suivi du reclassement (Epsr) financées par l’Etat et dont les missions étaient définies dans le code du Travail (placement, suivi dans l’emploi, aide pour résoudre les problèmes sociaux) sont remplacées par des Cap-emploi financés par l’Agefiph qui en détermine les missions et les objectifs quantitatifs. Le service est ainsi ouvert uniquement au public que l’Agefiph choisit de prendre en compte suivant le principe qui paie décide. Les centres de rééducation professionnelle (Crp) qui offrent une formation qualifiante, rémunérée et un soutien médico-social, sont très exposés par la priorité aux établissements de formation « ordinaire » moins chers, par la multiplication des formations courtes, non qualifiantes et par le risque de tarissement de leur recrutement dû au remplacement des Cotorep par les Maisons du handicap. De grosses incertitudes pèsent toujours sur la pérennité de leur financement par la Sécurité sociale. En effet, si la Sécurité sociale n’est qu’une assurance-maladie, elle n’a pas vocation à financer la formation qui permet de retrouver un emploi qualifié et bien rémunéré. Dans cet océan de recul social apparaît une avancée significative : l’obligation faite à l’employeur, sous peine de discrimination, de prendre toutes les mesures appropriées pour insérer, maintenir dans l’emploi et assurer la promotion professionnelle des salariés handicapés. Cela est un élément important de sécurisation du contrat de travail des salariés dont les chances de conserver ou de trouver un emploi sont effectivement réduites du fait d’un déficit fonctionnel. Tous les salariés en inaptitude à leur poste de travail sont donc potentiellement concernés par ce nouveau droit qui doit permettre à nos syndicats de viser l’objectif de zéro licenciement pour inaptitude, objectif déjà mis en oeuvre dans un accord collectif : Oeth (« Obligation d’emploi du travailleur handicapé » - branche du sanitaire social et médico-social non lucratif). Enfin, la négociation dans le domaine de l’emploi des travailleurs handicapés est facilitée par des négociations obligatoires annuellement dans l’entreprise, tous les trois ans dans la branche, et par de nouvelles clauses obligatoires dans les conventions collectives.

5. Des réflexions et des luttes

Le constat est sombre mais ne doit pas nous inciter à la délectation morose. II faut changer la loi et les pratiques. Comment s’y prendre pour y parvenir ? II faut d’abord être capable de bien comprendre, pour bien faire comprendre, les choix de base qui sous-tendent nos positions.

- Le premier des concepts est celui de santé

La santé ne se résume pas à l’absence de maladie. Pour nous, elle se définit comme le processus de construction et de développement par l’individu d’un état de bien-être physique, mental et social. En cela, notre Sécurité sociale ne peut pas être limitée aux fonctions d’une assurance-maladie couvrant de manière de plus en plus partielle les frais de soins. Elle doit, en revenant à la mission que lui attribuait l’article 1 de l’ordonnance qui l’a créé, être l’organisme qui couvre chaque citoyen contre tous les aléas de la vie, lui permettant ainsi un développement harmonieux de sa personnalité. Parmi tous ces aléas figure le risque de dépendance due à un déficit fonctionnel acquis à la suite d’accidents de la vie, du travail, de maladie, d’usure … L’autonomie - versus dépendance - est l’élément essentiel de la construction de la santé qui la place indubitablement dans le champ de la Sécurité sociale et particulièrement de la Cnamts au même titre que la santé au travail ou la maternité, et cela sans limite d’âge. II y a, de plus, une continuité évidente, même si le déficit fonctionnel n’est plus la maladie, entre les soins, les prothèses nécessaires, les aides techniques et les aides humaines ou animalières. Ainsi, la Sécurité sociale, pour une paralysie, ne prend en charge que le fauteuil roulant de base, les fauteuils munis de système releveur ne sont pas pris en charge alors qu’ils accroissent considérablement l’autonomie (prendre seul des objets en hauteur …) et ont un effet important et très direct sur l’état général (amélioration des fonctions circulatoires, d’excrétion …).

- Le deuxième concept est celui de handicap

Quoi qu’on en dise, le handicap est toujours confondu avec la déficience. Les textes réglementaires parlent : « des différents types de handicap : moteur, sensoriel, mental, psychique … ». L’évaluation de la lourdeur du handicap est en réalité une évaluation de la lourdeur de la déficience par un médecin. Ce constat sert en grande partie à déterminer la compensation nécessaire à la personne et non principalement l’estimation de ce qui est nécessaire pour pallier sa perte de capacité à agir. Ainsi, devant un escalier, une personne en fauteuil est handicapée pour monter à l’étage s’il n’y a pas d’ascenseur. S’il y en a un, elle garde son déficit fonctionnel mais n’est plus handicapée dans sa liberté de se déplacer en toute autonomie. Lui fournir une allocation et le remboursement du fauteuil de base ne suffit pas. Pour la Cgt, le handicap est l’absence de compensation totale ou partielle, collective (ascenseur) et individuelle (appareillage, aides diverses…) d’un déficit fonctionnel quel qu’il soit et quelle qu’en soit son origine. C’est cette compensation collective par l’accessibilité générale de la société et individuelle par la prise en charge socialisée de tous les surcoûts dus à la déficience, qui fait disparaître le handicap. La compensation, ainsi comprise, permet à tous ceux souffrant d’un déficit fonctionnel d’accéder effectivement aux droits garantis à chaque citoyen et à sa participation à la vie sociale. L’évaluation dans ce cadre sort largement du cadre médical pour être essentiellement fondée sur les besoins. Elle est sociale.

- Le troisième concept est la notion de libre choix

Liberté d’abord d’être ou de ne pas être considéré comme handicapé. Les dispositifs spécifiques sont faits pour apporter une aide aux personnes et c’est à elles seules de savoir si elles en ont besoin et si elles souhaitent en profiter, cela bien sûr à condition que chacun bénéficie d’une information totale sur ses droits. De multiples pressions sont faites par les employeurs publics ou privés pour obliger des salariés souffrant d’un déficit fonctionnel mais n’ayant aucune gêne sur leur poste de travail à se faire reconnaître « travailleurs handicapés » pourtant, la Cour de cassation rappelle régulièrement que « n’est pas fautif le salarié qui ne communique pas à son employeur sa qualité de travailleur handicapé ou qu’à la suite de licenciement ou de refus d’Assedic indemnisé, le chômage, le classement en invalidité ne concerne que l’application de la législation de la Sécurité sociale ». Liberté enfin, du choix de sa vie, soit en milieu ordinaire, soit en établissement. Or la pénurie en établissements spécialisés, surtout pour adultes, organisée pour des raisons de limitation des dépenses sociales, rend ce choix impossible, et pour ceux qui choisissent le milieu ordinaire, elle rend difficile une pleine participation à la vie sociale. Nous pouvons intervenir sur la base de ces concepts. D’abord, dans les différents organismes institutionnels départementaux (Commission des droits et de l’autonomie des Maisons départementales des personnes handicapées, programmes départementaux d’insertion des travailleurs handicapés, Comité départemental consultatif des personnes handicapées) et nationaux (Conseil national consultatif des personnes handicapées, Conseil supérieur de reclassement professionnel et social, Agefiph), il s’agira de faire émerger et de rendre insupportables les contradictions entre le discours officiel et les pratiques : l’insuffisance des prestations de compensation attribuées, les listes d’attente pour entrer dans un établissement spécialisé rendent particulièrement facile cet exercice et permettent en outre des positions, voire des luttes convergentes avec le secteur associatif. Cette activité de nos représentants s’appuie sur les luttes des syndicats Cgt tout en les soutenant :
- des établissements sanitaires et sociaux pour obtenir des moyens suffisants, des personnels qualifiés, la reconnaissance de la qualification, des créations de places… ;
- des Cap-emploi qui se battent pour des effectifs qualifiés suffisants pour assurer un service de qualité aux demandeurs d’emploi handicapés ;
- des Centres de rééducation professionnelle (Crp) qui luttent depuis des années avec succès pour le maintien et le développement de leurs établissements qui assurent, par la formation qualifiante, le droit à la réparation des assurés sociaux ;
- ensuite, dans chaque entreprise, il faut veiller à l’application loyale de la loi du 10 juillet 1987 portant obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

Enfin, un champ important de lutte nous est grandement facilité pour le maintien dans l’emploi des salariés en inaptitude à leur poste de travail. L’employeur est désormais tenu, sous peine de commettre une discrimination, de prendre toutes les mesures appropriées pour insérer et maintenir dans l’emploi ainsi que d’assurer la promotion professionnelle des travailleurs handicapés. Cette nouvelle et importante disposition doit nous permettre de viser l’objectif de zéro licenciement pour inaptitude alors que l’aggravation des conditions de travail et le vieillissement des salariés rendent ce problème de plus en plus aigu et les cas de plus en plus nombreux. Cette bataille doit d’ailleurs nous permettre de poser le problème de la santé au travail : réparer la casse des salariés est nécessaire mais il est plus utile encore de l’éviter. Or souvenons-nous que notre code du Travail impose aux employeurs une obligation de réussite de sécurité au travail, l’adaptation constante du travail à l’homme en tenant compte des progrès des sciences et des techniques (article L.230-2).

6. Conclusion

La nouvelle prise en charge du handicap a été établie selon un des grands principes de Machiavel : il faut que tout change pour que rien ne change. Tout change : les textes, les compétences, les discours idéologiques… Rien ne change : une politique de contention des besoins sociaux des citoyens les plus modestes et d’encadrement rigoureux des dépenses sociales. Avec une perversité supplémentaire : la responsabilité de l’absence de réponse aux besoins sociaux décidée par les dirigeants de l’Etat sera assumée par les conseils généraux compétents… dans la limite des enveloppes attribuées par la Cnsa ! La situation nouvelle nous ouvre aussi de réelles possibilités pour arriver à ce que tout change réellement. A nous de savoir - et de vouloir - jouer sur les multiples et profondes contradictions entre le discours idéologique véhiculé par les textes et la réalité du refus de la satisfaction des besoins de protection sociale et d’emploi.

Ce dossier, paru dans le Peuple n°1635, a été réalisé par Isabelle Fortier (administrateur suppléante à la Cnsa pour la partie "protection sociale") et Gérard Fuchs (administrateur Agefiph pour la partie "emploi et luttes")



  • Article mis en ligne le 1er octobre 2006 par Laurent


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